Dans la grande île de Madagascar, où près de 32 millions d’habitants tentent quotidiennement de joindre les deux bouts, la dure réalité du marché de l’emploi s’impose avec une acuité croissante en 2025. Malgré un taux de chômage officiellement bas, avoisinant les 3%, une grande majorité des travailleurs s’embourbe dans des emplois précaires et informels, incapables de couvrir leurs besoins essentiels. Ce tissu économique fragile, marqué par une pauvreté persistante qui touche près de 70% de la population, fait surgir une problématique complexe où la simple survie prime. Le cas de Ralava, un livreur d’eau potable d’Antananarivo, incarne cette lutte silencieuse : ses journées éreintantes au service d’un quartier défavorisé ne rapportent qu’un revenu quotidien moyen de 8 euros, très loin de permettre un confort ou un avenir serein à sa famille nombreuse. Dans cet univers où le travail ne rime pas avec sécurité ni stabilité, des nuances émergent toutefois, symbolisées par des initiatives comme celles de l’ONG Via Don Bosco qui œuvre en faveur de la formation professionnelle des jeunes. Pourtant, entre failles structurelles et défis sociaux, Madagascar demeure prisonnière d’un cercle vicieux où les emplois vulnérables perpétuent la pauvreté au détriment d’une croissance économique plus équitable et durable.
Les conditions précaires du travail à Madagascar freinent l’accès aux besoins essentiels
À Madagascar, la relation entre emploi et survie est bouleversée par la réalité du marché du travail. En effet, plus de 80% des travailleurs occupent des emplois informels caractérisés par une absence quasi totale de protection sociale, de sécurité de l’emploi ou de rémunération stable. Cette situation, décrite comme une vulnérabilité structurelle, témoigne d’une précarité hautement pernicieuse. Contrairement à ce que laisse penser le faible taux de chômage officiel, le sous-emploi et l’emploi vulnérable constituent la norme plutôt que l’exception. Par conséquent, une large part des actifs malgaches est incapable de satisfaire les besoins essentiels tels que l’alimentation, la santé, l’éducation et même l’accès à de l’eau potable, malgré un engagement quotidien intense.
L’exemple de Ralava, livreur d’eau à Antananarivo, illustre parfaitement cet état de fait. Chaque jour, il transporte près d’une tonne d’eau à bras, pour un revenu journalier d’à peine 40 000 Ariary (environ 8 euros). Ce salaire modeste, confirmé par de nombreuses enquêtes économiques récentes, ne lui permet que de pourvoir à l’essentiel : acheter du riz, du manioc ou encore payer les frais scolaires de ses enfants. C’est aussi l’illustration d’une dynamique familiale où l’activité économique est une œuvre collective, impliquant son épouse Clarisse, qui tient un petit commerce de vente ambulante de beignets et boissons chaudes. Pourtant, malgré ce modèle de coopération et de solidarité, leur marge de manœuvre reste extrêmement réduite, rendant leur quotidien instable et incertain.
- Manque de protection sociale : aucun accès à l’assurance maladie, aux indemnités de chômage, ni aux allocations familiales.
- Absence de formalisation : emploi souvent informel, échappant aux cadres réglementaires et aux droits du travail.
- Salaire insuffisant : revenu moyen national évalué à moins de 45 euros par mois.
- Emplois non productifs : la majorité des activités ne génèrent pas d’accroissement de compétences ni d’économies durables.
- Éducation limitée : obstacles à la formation professionnelle et à l’accès à un meilleur emploi.
Par ailleurs, ces difficultés s’intensifient dans les zones rurales, où vit une majorité de la population (environ 80%), souvent en marge de tout dispositif d’aide ou de développement, et où les infrastructures restent rudimentaires. Les conditions de travail, déjà difficiles dans les centres urbains, deviennent donc dramatiquement plus compliquées ailleurs. Ce constat appelle à une réflexion profonde sur le paradigm économique et social malgache afin d’éviter que la vieillissante majorité des travailleurs ne demeure condamnée à ce modèle minimaliste et insuffisant pour se sauver de la pauvreté.

Les conséquences sociales d’un marché du travail dominé par l’informel et le sous-emploi
La prédominance de l’emploi informel à Madagascar est non seulement un frein au développement économique, mais aussi une source de graves conséquences sociales. En effet, cette précarité massive affecte directement la qualité de vie des individus et amplifie les risques d’exclusion sociale. Sur le plan familial, la difficulté à assurer une stabilité financière génère des tensions et crée une fragilité qui affecte particulièrement les enfants, les femmes et les personnes âgées.
Le taux d’analphabétisme, qui demeure élevé avec plus de 23,5% de la population concernée, s’explique en partie par ce manque d’opportunités d’emploi décentes. En effet, à Madagascar, le faible accès à une éducation de qualité pousse de nombreux jeunes dans le cercle des emplois non qualifiés, où la situation économique ne permet guère de s’enrichir ni de planifier l’avenir.
La famine et la malnutrition frappent également plusieurs régions. Certains villages, éloignés des centres urbains et des ressources, se trouvent dans une situation critique. Ces réalités se traduisent par une insécurité sanitaire et alimentaire qui menace la cohésion sociale. Par ailleurs, la précarité professionnelle intensifie des phénomènes comme la migration interne vers les villes ou l’émigration vers d’autres pays, amplifiant ainsi la pression démographique sur des zones déjà saturées.
- Augmentation des inégalités sociales : fossé entre villes et campagnes accroissant la fragilité des populations rurales.
- Dégradation du capital humain : faible niveau d’instruction qui impacte la capacité d’insertion professionnelle durable.
- Risques de marginalisation : exclusion des couches vulnérables sans filet de sécurité.
- Délinquance et insécurité : certains quartiers voient émerger des phénomènes sociaux liés à la pauvreté et au manque d’activité économique légale.
Face à ces enjeux, des initiatives locales et internationales œuvrent pour améliorer la situation. Certaines ONG, appuyées par des institutions comme l’Organisation Internationale du Travail (OIT) et divers bailleurs de fonds, mettent en place des programmes visant à promouvoir le travail décent, la protection sociale et la formation professionnelle. Ces efforts tendent à briser le cercle vicieux dans lequel s’enferre le pays, mais demeurent aujourd’hui insuffisants sans un engagement national plus ferme et durable.

Tableau comparatif des indicateurs sociaux en milieu urbain et rural à Madagascar
| Indicateur | Milieu urbain (%) | Milieu rural (%) |
|---|---|---|
| Population vivant sous le seuil de pauvreté | 55 | 80 |
| Taux d’analphabétisme | 15 | 28 |
| Accès à l’eau potable | 60 | 30 |
| Emplois formels | 12 | 3 |
La jeunesse malgache plongée dans la précarité malgré une forte volonté de travailler
La population malgache est très jeune, avec près de la moitié des habitants ayant moins de 18 ans. Ce „dividende démographique“ représente pourtant un potentiel important pour le développement économique du pays, encore largement inexploité en 2025. Malgré une volonté manifeste de travailler et de sortir de la pauvreté, une majorité des jeunes adultes peine à accéder à un emploi stable et correctement rémunéré. Le système éducatif, inadapté et insuffisant, joue un rôle déterminant dans ce phénomène, limitant l’employabilité des jeunes, qui se voient alors contraints d’accepter des petits boulots précaires souvent dans le secteur informel.
Les données de la Banque africaine de développement soulignent l’importance stratégique de la formation professionnelle adaptée aux besoins locaux pour inverser cette tendance. Par exemple, au Centre de Formation Professionnelle des Filles de Marie Auxiliatrice à Ivato, les jeunes bénéficient d’enseignements en métiers manuels tels que la coupe et la couture, offrant une porte vers une insertion professionnelle plus stable. Grâce aux partenariats avec des entreprises locales, les diplômés trouvent généralement un emploi rapidement, brisant ainsi temporairement le cycle de la pauvreté.
- Formation adaptée : apprentissage de métiers à forte demande locale et internationale.
- Aide financière : réduction voire prise en charge des frais de scolarité grâce aux ONG.
- Insertion professionnelle : programmes de collaboration avec entreprises et artisans.
- Encadrement social : accompagnement destiné à renforcer la motivation et la volonté des jeunes.
Ce modèle, bien que prometteur, reste cependant limité à une minorité. Beaucoup de jeunes restent en marge, faute de moyen ou d’accès. Par ailleurs, la qualité des formations et leur adéquation aux marchés restent variables selon les régions. L’absence d’une politique publique nationale robuste consacrée à ce volet accentue le risque d’augmentation du chômage déguisé et de marginalisation sociale.
Le rôle indispensable des initiatives privées et ONG dans la lutte contre la précarité
Face à la faiblesse des politiques publiques et aux compromis difficiles dans le secteur privé, les organisations non gouvernementales jouent un rôle crucial pour améliorer les conditions d’emploi et de formation à Madagascar. Des structures comme Via Don Bosco se distinguent par leur capacité à offrir des solutions concrètes : elles proposent des formations professionnelles accessibles à un coût dérisoire, favorisent l’insertion dans des secteurs porteurs et créent ainsi une dynamique porteuse d’espoir.
La jeune génération issue de ces formations a souvent l’occasion de dépasser la condition de précarité à travers l’acquisition de compétences tangibles, valorisées sur le marché du travail local ou à l’export. Des exemples comme Jouany Razafitsihafa, fashion designer reconnu, attestent que malgré les obstacles, Madagascar peut compter sur des talents capables de s’affirmer mondialement.
- Formations ciblées : métiers adaptés au contexte local et exportable (textile, artisanat, services).
- Soutien financier : bourses et subventions réduisant les coûts de formation.
- Partenariat avec entreprises : visibilité accrue des jeunes diplômés sur le marché du travail.
- Accompagnement post-formation : suivi des jeunes pour maximiser leur réussite professionnelle.
Malgré ces succès, ces initiatives restent insuffisantes pour répondre à l’ampleur des besoins nationaux. Elles nécessitent, pour être vraiment efficaces, une collaboration renforcée avec l’État, notamment pour formaliser davantage l’économie informelle et pour créer un cadre propice à des emplois décents et bien rémunérés. À ce titre, l’intégration de programmes comme la réforme du secteur minier dans une stratégie globale pourrait ouvrir des perspectives économiques crédibles, couplées à des politiques sociales ambitieuses.

Les freins structurels au développement d’un emploi décent et durable à Madagascar
Le marché du travail malgache est soumis à des obstacles structurels profonds qui ralentissent la mise en place d’emplois dignes. L’absence de protection sociale, la prévalence de l’économie informelle, le faible niveau d’éducation et l’insuffisance des infrastructures constituent un ensemble de facteurs limitant la création d’un environnement économique favorable.
L’emploi reste largement synonyme de survie immédiate, où l’on n’a que peu de marge pour entreprendre ou investir dans son développement personnel et professionnel. Ce phénomène a des incidences :
- Difficultés de financement : impossibilité pour les travailleurs de mettre de l’argent de côté ou d’emprunter pour se former ou investir.
- Manque de reconnaissance : les emplois informels sont souvent dévalorisés et non protégés juridiquement.
- Faible attractivité : les entreprises locales peinent à recruter des profils qualifiés du fait d’un système éducatif peu adapté.
- Impact sur la croissance : l’économie reste stagnante avec peu de création d’emplois stables et productifs.
Cette situation s’observe aussi dans des secteurs clés comme le textile, la production agricole et le tourisme, où le potentiel de croissance est important mais encore mal exploité. Les échanges commerciaux avec les partenaires régionaux et internationaux, notamment via la SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe), offrent des opportunités, mais demandent une montée en compétences rapide.
Le gouvernement malgache est appelé à mettre en place des stratégies efficaces pour relever ces défis, en associant les acteurs locaux et la communauté internationale, afin d’instaurer un marché du travail dynamique et inclusif, où travailler ne rimerait plus avec „MBOLA TSY AMPY“.
Tableau synthétique des obstacles au développement de l’emploi décent à Madagascar
| Obstacle | Description | Conséquence |
|---|---|---|
| Absence de protection sociale | Pas ou peu de dispositifs pour soutenir les travailleurs en cas de maladie, chômage ou vieillesse | Précarité accrue et impossibilité d’investir dans l’avenir |
| Économie informelle dominante | Travail sans contrat ni droits reconnus | Conditions de travail difficiles, revenus faibles et instabilité |
| Faible niveau d’éducation | Peu de diplômés, nombreuses personnes analphabètes | Difficultés d’insertion et vulnérabilité sur le marché du travail |
| Infrastructures insuffisantes | Mauvais accès aux services de base et aux centres économiques | Isolement et manque de débouchés professionnels |
L’importance de la sensibilisation et de l’éducation pour un avenir meilleur
La sensibilisation aux enjeux liés à l’emploi, aux droits du travail et à la protection sociale constitue un levier essentiel, néanmoins souvent négligé à Madagascar. En effet, nombre de travailleurs informels ignorent les possibilités qui pourraient leur permettre d’améliorer leurs conditions ou d’accéder à des dispositifs existants. De même, la sensibilisation des employeurs à la nécessité de respecter les droits des travailleurs reste limitée, freinant l’évolution vers un système plus équitable et respectueux.
Plusieurs programmes, en collaboration avec des organismes internationaux, visent à diffuser des informations essentielles, à encourager la formalisation et à promouvoir le dialogue social. Ces démarches, dans un esprit de transparence et d’ANDRAIKITRA PLUS, veulent impliquer toutes les parties prenantes : autorités, employeurs, travailleurs et société civile.
- Campagnes d’information : diffusion radio, ateliers communautaires, documents pédagogiques.
- Formations des travailleurs : droits au travail, sécurité, santé, accès aux prestations.
- Dialogue social renforcé : création d’espaces d’échanges entre employeurs et employés.
- Valorisation des bonnes pratiques : reconnaissance des initiatives exemplaires et encouragement à l’innovation sociale.
Ces actions participent à briser une certaine fatalité, démontrant que le changement est possible si des acteurs engagés s’unissent pour promouvoir un marché du travail juste et inclusif. C’est aussi un moyen de renforcer la résilience des ménages, souvent soumis à des situations de VITANA difficiles.
Le secteur minier et son rôle ambigu dans l’économie malgache
Le secteur minier est un pilier important de l’économie malgache, avec une place croissante dans les échanges internationaux. Cependant, ce secteur, s’il constitue un potentiel significatif de développement, est également source de tensions et de déséquilibres, rendant sa contribution à la lutte contre la précarité ambiguë.
Les ressources naturelles de Madagascar attirent de nombreux investisseurs, notamment pour l’exploitation de pierres précieuses et le nickel. La coopération régionale, notamment avec la SADC, permet d’élargir les marchés et d’accroître les flux commerciaux, mais pose la question des retombées locales sur l’emploi et le bien-être des populations concernées.
- Source potentielle d’emplois : extraction et transformation des minerais créent des opportunités.
- Investissements étrangers : apport de capitaux susceptible de moderniser l’économie.
- Risques environnementaux : pollution et dégradation des écosystèmes locaux.
- Inégalités sociales accrues : bénéfices concentrés, pauvreté persistante pour beaucoup.
Pour que cette richesse se traduise en bénéfices durables, une réforme du secteur minier, telle qu’examinée récemment dans ce rapport, s’impose. Elle doit viser une gestion transparente, une redistribution équitable des revenus et une meilleure intégration sociale des travailleurs du secteur.
Les perspectives d’avenir : vers un marché du travail plus inclusif et durable
Au cœur des enjeux actuels se trouve la nécessité d’un changement profond, capable de transformer le marché du travail malgache en un levier de développement humain et économique. Pour cela, plusieurs pistes se dessinent :
- Renforcement du cadre législatif : améliorer la protection et la reconnaissance des travailleurs, même dans l’économie informelle.
- Investissements dans l’éducation et la formation : favoriser une montée en compétences et une employabilité accrue.
- Soutien aux initiatives locales : encourager les petites entreprises et les coopératives pour créer des emplois dignes.
- Promotion de la formalisation : faciliter le passage des emplois informels à des statuts plus sécurisés et réglementés.
- Collaboration internationale : mobiliser des ressources et des savoir-faire partenaires, comme la SADC et d’autres institutions.
Ces objectifs, bien qu’ambitieux, sont à portée de main si une volonté politique claire s’en dégage. Des termes comme FAHAVOAZANA (progrès), SALAMA JOBS (emplois sûrs), ou encore SAMBATRA (avenir serein) sont aujourd’hui employés pour incarner cet espoir. Mais si le pays ne parvient pas à dépasser son statut actuel, avec un monde économique où l’on MIASA MBOLA MIFADY (travaille encore en choisissant peu), la grande majorité risque de rester dans une situation où tout VITANA semble hors de portée.
La trajectoire de Madagascar repose ainsi sur des choix déterminants qui conditionneront la possibilité d’un véritable changement social et économique, capable de réaffirmer sa place dans un monde globalisé et porteur d’opportunités.
En parallèle, le rôle des manifestations culturelles prend un poids stratégique dans la dynamisation économique. Par exemple, l’impact des festivals à Antananarivo favorise la création d’emplois temporaires et la valorisation du savoir-faire local, contribuant ainsi à diversifier l’économie urbaine.
Questions fréquemment posées sur la situation des travailleurs malgaches
- Quels sont les principales difficultés rencontrées par les travailleurs à Madagascar ?
Les obstacles majeurs sont la prédominance de l’emploi informel, les salaires insuffisants, l’absence de protection sociale et un faible accès à une éducation adaptée. - Comment la jeunesse malgache peut-elle améliorer son employabilité ?
Les formations professionnelles adaptées, notamment soutenues par des ONG et des centres spécialisés, offrent une meilleure insertion sur le marché du travail. - Le secteur minier peut-il réellement contribuer à la création d’emplois dignes ?
Oui, mais cela nécessite une gestion transparente et l’intégration des populations locales dans le processus économique pour que les bénéfices soient partagés. - Quels sont les exemples d’initiatives réussies à Madagascar ?
Des organisations telles que Via Don Bosco ont démontré leur impact positif en formant des jeunes et en favorisant leur insertion professionnelle. - Quelles sont les perspectives pour un travail plus décent à Madagascar ?
Un engagement renforcé des pouvoirs publics, une meilleure coordination avec les acteurs privés et une mobilisation internationale sont essentiels pour changer la donne.
Source: www.lalibre.be